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ET LA PATIENCE.

son cœur, eussent eu un intérêt pressant à en démêler les mouvements ; & cette expérience ne s’étoit jamais faite, sans que les personnes instruites de la vérité de son caractere, n’eussent acheté cher cette dangereuse connoissance : car il ne se démasquoit pas aisément ; & plutôt que de laisser pénétrer son intérieur, il auroit cédé quelques-uns de ses droits, ou rendu quelques légers services à ceux qu’il haïssoit le plus, dans l’intention d’endormir leur défiance, pour les perdre plus sûnement par la suite, sans que sa vengeance ou sa cruauté pût porter aucune atteinte à cette réputation de probité qu’il avoit su s’attirer. Enfin, les crimes ne lui coûtoient rien à commettre, ayant pour premiere maxime, qu’il n’y en avoit point dans les actions utiles à ceux qui les commettoient, puisque l’on ne pouvoit être criminel, quand on avoit assez d’esprit & de prudence pour se faire croire vertueux ; la faute étant toute, selon lui, dans le seul éclat : il pensoit que la vertu n’étoit véritablement qu’une chimere de politique, uniquement nécessaire pour donner de la force aux Loix ; mais que cependant, comme elle décidoit du bonheur ou du malheur de la vie des hommes, il en falloit conserver les apparences aux dépens