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LE TEMPS

épouse, paroissoit plongée. J’y rêvois profondément, souhaitant avec ardeur d’en pénétrer le motif, ne m’étant plus possible de croire que celui de l’éloignement de sa famille subsistât si long-temps, lorsque je la vis paroître : elle étoit suivie d’une seule de ses femmes, & prenoit le chemin du lieu où j’étois.

Je sentis à la fois un mouvement de joie, me flattant d’apprendre le motif de sa tristesse, & une espece de terreur, causée par la crainte que cette connoissance ne me devînt funeste, & ne m’instruisît de quelque raison de haine qu’elle eût contre moi. Ce n’étoit pas que j’ignorasse que l’amour n’entre pour rien dans les mariages de mes pareils ; mais cet hymen faisant mon honneur, j’aurois desiré qu’il n’eût pas fait son infortune : cependant, profitant de cette occasion que m’offroit le hazard, je ne balançai pas à entreprendre de savoir ma destinée ; je pris si bien mes précautions pour n’être point apperçu dans ma double palissade, que, sans me voir, elle vint s’asseoir sur un lit de gazon qui étoit de l’autre côté, en sorte qu’en rangeant les branches qui nous séparoient, nous aurions pu nous toucher.

Je remarquai qu’elle étoit toute en larmes, & peu après je l’entendis pousser