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ET LA PATIENCE.

prendre enfin la résolution d’envoyer une Ambassade à ce Monarque. Elle fut reçue aussi favorablement que je le pouvois desirer ; & mon fils lui-même partit quelque temps après pour aller épouser, en mon nom, la fille de ce Prince.

La Renommée publioit des merveilles de la Princesse, & son portrait, qui étoit charmant, m’inspira autant d’empressement pour m’unir à elle, que j’y avois d’abord eu de répugnance. Il ne me restoit qu’un scrupule qui empêchoit le progrès de mon amour ; j’étois persuadé qu’elle n’étoit pas aussi belle qu’on me la représentoit, & que, suivant l’usage des Peintres, elle avoit été flattée par le sien. Mais je fus bien détrompé en la voyant, puisqu’elle étoit cent fois au-dessus de sa peinture, qui n’avoit pas le pouvoir de rendre toutes les graces dont elle brilloit.

J’en fus enchanté, quoique je ne pusse m’empêcher d’être surpris de la profonde mélancolie où elle paroissoit ensevelie. Je l’attribuai d’abord à la peine qu’elle avoit eue à se séparer de sa famille ; & mon estime augmenta par cette connoissance de la bonté de son cœur, qui la rendoit moins sensible à la douceur de venir régner dans un grand Empire, qu’à la douleur de s’éloigner de ses parents. Je n’épargnai rien