Page:Villeneuve - Le Temps et la patience, tome 1.djvu/136

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
130
LE TEMPS

proposé, que pour avoir l’occasion de se plaindre ; car il ne lui convenoit nullement.

Il abandonna furtivement ma Cour, & se retira dans les Terres de son apanage, où il eut bien-tôt un parti considérable ; ce qui lui fut d’autant plus facile, que je lui avois donné une autorité peu différente de la mienne.

Je me vis à regret forcé de prendre les armes contre un ennemi qui m’étoit si cher ; mais je lui fis faire, avant de commencer la guerre, des propositions de paix avec l’empressement qu’il auroit dû avoir ; & malgré la réponse hautaine dont il me signifia qu’il n’y avoit aucun accommodement à espérer entre nous, si je ne lui abandonnois ma Couronne, l’amour paternel, plus fort que le juste courroux, m’empêcha de me livrer aux mouvements de l’indignation que méritoit son insolente ingratitude. J’aurois même poussé la tendresse bien plus loin, s’il avoit été fils unique, & je l’aurois satisfait. Mais l’intérêt de son cadet, qui étoit plus généreux & plus attaché à son devoir, quoiqu’il ne fût pas sans une ambition raisonnable, m’empêcha de le contenter ; j’appréhendois qu’un fils qui écoutoit si peu la nature, qu’il cherchoit à pré-