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ET LA PATIENCE.

vingt ans que je l’habite. Elle est assez déserte pour n’avoir causé nulle envie à personne ; j’y ai semé du bled. J’ai fait un jardin, & planté des arbres fruitiers qui fournissent à ma subsistance.

Un troupeau dont je tire la laine, entretient mon vêtement ; en un mot, rien ne me manque de ce qu’il faut posséder pour éviter la nécessité. J’emploie le superflu de mon petit revenu à faire des présents aux Habitants rustiques de ce voisinage, qui, en reconnoissance, me font l’étoffe ou la toile dont je me vêts, & me donnent ce que je ne puis faire moi-même. Si vous voulez borner vos courses ici, je n’appellerai plus d’Etrangers. Etant trois, nous pourrons sans fatigue faire tout ce qui nous sera nécessaire, pour remplacer les services que j’étois obligé d’exiger de ces bonnes gens, à qui les dons que nous leur ferons désormais, seront dirigés par la seule bonne volonté.

Quelque peu flatteuse que fût la peinture que ce Solitaire nous faisoit de la façon de vivre où il s’étoit borné, & qu’il nous offroit, nous ne délibérâmes point pour accepter les offres ; c’étoit ce que nous pouvions espérer de mieux dans notre situation présente. Ainsi nous prî-