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LE TEMPS

reurs de Mouba, nous nous éloignâmes, à l’aventure, des lieux où nous avions pris naissance, à qui nous dîmes adieu pour jamais, le Roi étant trop vieux pour oser espérer qu’il fût encore dans quinze ans en état de nous rappeller, & ne faisant pas de doute que nous ne fussions ainsi éloignés pour un si long-temps, que pour avoir celui de faire passer la Couronne dans des mains étrangères, ou tout au moins à l’enfant de la Reine ; car nous n’ignorions point qu’elle fût grosse.

Ce malheur, continua Almenza, étant sans remede, nous nous rangeâmes à notre triste destinée, résolus d’aller chercher un asyle chez le Roi de Bengal, notre oncle ; mais comme ce dessein auroit pu devenir suspect à la Reine & à son Confident, dans la crainte que l’on ne nous tendît des embûches sur la route, nous n’osâmes y aller par le chemin ordinaire, & nous crûmes plus sûr de prendre des sentiers peu fréquentés. Cette précaution nous fut fatale ; car ignorant les chemins, & évitant tous ceux qui nous en auroient pu instruire, de peur d’être découverts, nous nous écartâmes si fort, que quand nous nous trouvâmes assez éloignés d’Angole pour être en commodité de demander sans péril la voie qu’il