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ET SUR LA POÉSIE LYRIQUE.

même, pour avoir dit dans ses vers qu’il valait mieux jeter bas ses armes que mourir. »

Puis, l’historien ajoutait cette fâcheuse citation du poëte : « Un Thrace s’enorgueillit maintenant du bouclier que moi j’ai laissé bien intact, au coin d’un buisson, contre mon gré sans doute ; mais par là j’évitais la mort. Bonsoir à ce bouclier. Un autre j’aurai, qui ne sera pas plus mauvais. »

Maintenant, le poëte qui se moquait ainsi de lui-même trouvait ailleurs des accents pleins d’élévation et de force, pour encourager la constance et la lutte contre l’infortune. C’est lui qui dit dans de beaux vers ïambiques[1] :

« Il n’est dans les choses humaines rien d’inespérable, rien qu’on doive nier, rien qui puisse surprendre : car Jupiter, le maître des dieux, fait du plein midi sortir la nuit, quand il a voilé la lumière du soleil resplendissant ; et une froide terreur est descendue sur les hommes. Après cela, tout est à croire et à espérer pour les mortels ; et personne de vous ne doit s’étonner, s’il voit les animaux féroces

  1. Χρημάτων δ’ ἄελπτον οὐδέν ἐστιν, οὐδ’ ἀπώμοτον·
    οὐδὲ θαυμάσιον, ἐπειδὴ Ζεὺς πατὴρ Ὀλυμπίων
    ἐκ μεσημβρίης ἔθηκε νύκτ’, ἀποκρύψας φάος
    ἡλίου λάμποντος· ὑγρὸν δ’ ἦλθ’ ἐπ’ ἀνθρώπους δέος.
    Ἐκ δὲ τοῦ κἄπιστα πιστὰ κἀπίελπτα γίνεται
    ἀνδράσιν· μηδεὶς ἔθ’ ὑμῶν εἰσορῶν θαυμαζέτω,
    μηδ’ ἵν’ ἄν δελφῖσι θῆρες ἀνταμείψωνται νομὸν
    ἐνάλιον, καί σφιν θαλάσσης ἠχέεντα κύματα
    φίλτερ’ ἠπείρου γένηται, τοῖσι δ’ ἠδὺ ἦν ὄρος.

    Poet. lyr. græc., ed. Bergk, p. 482.