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ET SUR LA POÉSIE LYRIQUE.

des premiers temples, s’embellit avec eux et déploya toutes les variétés, tous les calculs de l’harmonie. Le mètre poétique s’assouplit à ces changements. L’élégie, la plainte funèbre, eut alternativement un vers brisé, comme pour exprimer par le son l’effort et la tristesse. La colère s’arma de l’ïambe aux syllabes aiguës et rapides. La poésie morale, ce correctif de toutes les autres, qui d’abord semblait réduite au mètre élégiaque de Théognis, se joua dans des rhythmes divers et parcourut toutes les cordes de la lyre.

Parmi ceux qui étendirent ainsi la poésie grecque, après Homère et avant les tragiques, il n’est pas de nom plus célèbre qu’Archiloque. Nuls chants n’étaient plus familiers dans les places publiques et sous les portiques de l’ancienne Athènes ; nul buste, dans les Musées des Lagides, n’était plus rapproché de celui d’Homère.

Mais, de nos jours, comment, avec quelques rares débris, quelques épaves fortuites échappées aux naufrages du temps, refaire ou deviner cette poésie ? Comment retrouver les feux et les reflets du diamant réduit en poussière ?

À part l’admiration dont Archiloque frappa les Grecs, nous savons qu’il fut un des modèles d’Horace, et que l’art si studieux et si vif du lyrique romain était tout parsemé de réminiscences d’Archiloque, d’Alcée, de Stésichore, de Sapho. Mais cela même laissait apparaître bien des différences entre l’impétueux génie,