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ESSAIS SUR LE GÉNIE DE PINDARE

tères, à Triptolème, à Polyxène, à Dioclès, ces mystères terribles qu’il n’est permis ni de pénétrer, ni de savoir, ni de redire ; car une grande crainte des dieux enchaîne ici la voix. Heureux celui des hommes qui les a vus ! Mais celui qui n’a ni le secret, ni le partage de ces choses sacrées, n’a pas semblable chance de bonheur, après le trépas et dans le ténébreux séjour. »

Ces majestueuses paroles, on le voit, respirent même piété, même confiance que le fragment de Pindare sur les mystères d’Éleusis. Un tel langage appartient à ces temps de la Grèce, où le courage et le génie du peuple étaient le plus liés aux croyances et aux fêtes du culte religieux. Dans la suite, les mystères d’Éleusis furent symboliquement expliqués par les sages ; et, plus tard encore, ils furent empruntés ou contrefaits par une sorte de Théurgie, dernier sacerdoce du paganisme. Mais alors cette croyance n’était plus qu’une imposture, où la poésie manquait comme l’enthousiasme.

Quoi qu’il en fût des formes simples de l’hymne primitif, le rhythme dut varier bientôt et se prêter à tous les mouvements que l’élan de l’imagination, l’émotion du chant, le concert des voix, le tressaillement de la foule qui leur répond, pouvaient imprimer au poëte. L’hymne sacré, d’abord inculte comme la forêt dont il avait frappé les voûtes sauvages, puis longtemps rude et simple comme les pierres massives