Page:Villemain - Essais sur le génie de Pindare, 1859.djvu/93

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
85
ET SUR LA POÉSIE LYRIQUE.

serait difficile d’assigner la date. Mais l’hymne à Apollon, cité par Thucydide, et quelques autres à Mercure, à Vénus, à Cérès, mêlés de récits et de prières, marquent bien le rapport de la poésie narrative au chant lyrique. On sait que l’hymne à Cérès ne fut découvert qu’à la fin du siècle dernier, dans la poussière d’un couvent de Moscou. La critique verbale y reconnut la langue et la diction des autres hymnes réputés les plus anciens. Le goût sentit, dans la fiction et le récit, cet accent naïf qui ne trompe pas et qu’on ne peut guère simuler. Nulle part, la fable ingénieuse et symbolique de Cérès et de Proserpine n’a été contée avec autant de charme religieux et de pathétique. La douleur irritée de Cérès, la vengeance dont elle menace les humains en laissant la terre inculte, est vaincue par les prières de Rhéa, sa mère, et par la promesse qu’elle reverra sa fille et passera désormais avec elle dans l’Olympe les deux tiers de l’année.

« La déesse l’a dit[1] : Cérès à la belle couronne n’a plus de défiance. Soudain elle a laissé libres les fruits naissants des guérets fertiles : la vaste terre a regorgé de feuilles et de fleurs. Cérès, s’avançant, montre au roi, chef de la justice, à Triptolème, à Dioclès, qui maîtrise les coursiers, au puissant Eumolpe, à Celée, pasteur des peuples, les saints rites de ses autels : elle leur enseigne à tous les divins mys-

  1. Hom. hymn. in Cererem, v. 470.