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ET SUR LA POÉSIE LYRIQUE.

le plus cher parmi les poëtes et le plus agréable par ses chants, habite ici ? répondez-lui toutes, en notre nom : C’est un homme aveugle ; il a pour patrie l’île montagneuse de Chio ; tous ses chants seront les premiers dans l’avenir ; et nous porterons sa gloire sur la terre, partout où nous rencontrerons des villes habitées. »

Ce langage, consacré dans des vers antérieurs à Thucydide, était-il, non le signalement du poëte, donné par lui-même, mais une fiction sur l’origine des chants populaires déjà répandus dans la Grèce ? Il n’importe ; on voit ici, dans l’unité de ton des hymnes religieux et des récits épiques, l’antiquité même de cette poésie lyrique.

Tout semble l’attester d’ailleurs, le naturel et l’abondance des images, la simplicité des symboles. Soit que cette poésie des hymnes homériques célèbre les grands spectacles de la nature, soit qu’elle rappelle les traditions du culte mythologique, jamais rien de subtil, comme dans les hymnes savants de Proclus, ou dans les réminiscences tardives placées sous le nom d’Orphée. On pourrait plutôt reconnaître dans le langage de ces chants une sorte de piété panthéiste analogue à celle qui, dans des temps plus reculés, et chez des ancêtres oubliés de la race grecque, avait inspiré quelques accents des Védas. Tel est le caractère de l’hymne homérique à la Terre, à cette déité matérielle que, sous le beau ciel de l’Inde, célébraient les

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