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ESSAIS SUR LE GÉNIE DE PINDARE

du souverain, accusateurs publics de toute violence et de toute fraude, hérauts et messagers, scellant de leur sang la vérité de leurs reproches et de leurs prédictions.

L’érudition critique peut rapprocher et finement approfondir ce qui nous reste de notions appréciables sur les diverses formes de pouvoir théocratique établies chez les différents peuples. Prêtres égyptiens, Mages de la Perse, Hiérophantes des mystères helléniques, Patriciat pontifical de Rome, Collége des Druides de la Gaule, nulle part il n’apparaîtra moins de superstition et plus de grandeur, un dégagement aussi complet de toute fraude, de tout intérêt, de toute faiblesse, que chez les prophètes hébreux, saintes victimes de la patrie judaïque, consacrés au Dieu de vérité, nourris dans l’étude de sa loi, venant, en son nom, avertir les rois coupables, instruire le peuple égaré, se jeter entre lui et ses oppresseurs, et mourir sous les instruments de torture de ses ennemis.

Nul doute qu’une éducation à part, la plus sévère, la plus abstinente, la plus morale, la plus poétique, préparait ces hommes ; et, si quelquefois le même don de sagesse et d’enthousiasme, que l’éducation développait en eux, se trouvait ailleurs perdu et comme enfoui dans une existence grossière, là encore parfois il s’éveillait, sous quelque coup du sort et quelque ressentiment des maux de la patrie, comme nous l’atteste l’exemple du prophète Amos, enlevé à ses travaux rusti-