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ET SUR LA POÉSIE LYRIQUE.

L’âme humaine, par son origine et sa destinée, est capable d’extase, mais pour un moment : elle y atteint, elle n’y reste pas. C’est tout ensemble la marque et la borne de sa grandeur ici-bas, que, dans la foi, dans la passion, dans le génie, elle ne puisse entrevoir et soutenir le sublime que par intervalle. Au delà est cette vie divine que l’antiquité, même idolâtre, avait conçue, dont elle entendait quelque chose dans le recueillement intérieur de l’âme, qu’elle recherchait dans les initiations de ces mystères, dont Pindare a dit : « Que l’homme n’en aurait pu contempler toute la lumière dévoilée, sans mourir. »

Mais revenons au seul domaine de l’imagination et de l’art. Quelle place y doit prendre encore la foi surnaturelle ? Ce n’est pas seulement dans les chants du Psalmiste que se rencontrent les plus sublimes inspirations de poésie lyrique. Elles sont éparses ailleurs, et jusque dans le récit historique, témoin, au chapitre xxxii du Deutéronome, ce chant de Moïse où Dieu semble plaider contre son peuple, l’accuser, lui répondre, entre la vive expression des images présentes et la vue prophétique d’un avenir non moins éclatant aux yeux.

Si l’esprit ne devait pas se défier des parallèles cherchés trop loin, le chant du législateur hébreu en réponse à l’ingrate anxiété de son peuple, ce gouvernement des hommes par l’enthousiasme poétique, nous rappellerait l’élégie de Solon récitée au peuple athénien, et comment, avec des accents poé-