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ESSAIS SUR LE GÉNIE DE PINDARE

roi de gloire ? Jéhovah, le Dieu fort et puissant ; Jéhovah, le maître de la guerre. Élevez vos fronts, Portes éternelles ! Le roi de gloire est près d’entrer. Quel est ce roi de gloire ? Jéhovah, le maître de la guerre ; c’est lui, le roi de gloire. »

Une des conditions du sublime, la brièveté, anime ce chant. Il n’est donné à l’esprit de l’homme de luire à cette hauteur que par éclairs. Ce que l’on a nommé l’inspiration, c’est ce moment où l’âme, ravie au-dessus d’elle-même, épuise le dernier degré de douleur, de joie, d’amour, qu’il lui soit possible d’atteindre sans briser sa faible enveloppe et s’échapper d’ici-bas. La continuité du sublime serait une extase plus forte que la vie terrestre, comme le témoigne parfois l’apparition trop courte d’une de ces âmes élevées, délicates, brûlantes, que la foi divine a saisies et qu’elle consume. Vous l’avez vue, peut-être.

Rien n’égalait sa pureté nourrie de ferveur. Les soins et les bonheurs apparents de la vie, les émotions même de la charité, se perdaient pour elle dans une pensée plus haute de contemplation divine. Elle voyait Dieu en imagination ; elle l’associait à ses douleurs par la prière, et ne descendait pas de cette région d’amour et d’espérance dont l’ardeur satisfait seule certaines âmes, mais dévore promptement cette vie mortelle qui les entoure et qui les gêne. Elle a passé vite sur cette terre, parce qu’elle était du ciel et qu’elle avait hâte d’y revenir.