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ESSAIS SUR LE GÉNIE DE PINDARE

Là où même difficulté se rencontre, même réserve nous est nécessaire, bien plus qu’au savant docteur. Comme les hymnes hébraïques, et sans que cette ressemblance fut une imitation, les odes de Pindare étaient accompagnées de voix et d’instruments. Elles offraient un spectacle célébré dans l’enceinte d’un temple, le péristyle d’un palais, ou parfois sous le portique décoré de la maison d’un vainqueur couronné dans les jeux. On conçoit que la pompe lyrique et musicale, que la mise en scène, ne fussent pas les mêmes pour l’annonce d’une victoire lointaine, apportée d’Olympie au roi de Syracuse, dans le luxe de sa cour, ou pour le jeune athlète qu’au sortir de la lice une fête civique accueillait à la voix du poëte.

Pindare nous avertit de ces différences ; et parfois, selon le génie de cette Grèce où tout ce qui servait aux arts était noble, où le comédien et le joueur de flûte n’étaient exclus d’aucune dignité, il se montre lui-même disposant le concert et ordonnant le chœur, dont les lyres et les voix vont soulever dans les airs le vol de sa strophe nouvelle. C’est ainsi que, dans la simplicité enthousiaste des mœurs hébraïques, le Roi-prophète avait présidé au chant de ses hymnes et réglé les concerts des Lévites. Aujourd’hui nulle érudition n’oserait déterminer la vraie forme du vers hébreu et le rhythme, non plus que le chant de cette poésie sublime.