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ESSAIS SUR LE GÉNIE DE PINDARE

parmi les sectes chrétiennes d’Amérique, il jaillira toujours des paroles de feu qui entretiendront l’enthousiasme de la charité dans les âmes. Au milieu de ce grand peuple accru des dépouilles de l’ancien monde et des inventions puissantes de chaque jour, parmi ces ouvriers de la onzième heure qui achèvent si vite leur tâche et reçoivent un plein salaire, dans cette nation rude et savante, nouvellement née et pleine d’expérience, enorgueillie de sa force comme de la magnifique nature subjuguée par ses arts, la poésie de l’âme, nourrie par la religion, la patrie, la famille, ne peut manquer un jour d’avoir son Orient et son Midi.

Sera-ce seulement dans la langue de Shakspeare et de Milton, au milieu de ces riches cités où fleurissent tous les arts, où s’élève déjà plus d’un penseur et d’un historien ? sera-ce près du temple consacré à Dieu sous l’invocation de Réginald Héber, d’un si lointain compatriote des Anglais d’Amérique ? sera-ce à l’extrémité du nouveau monde, dans l’idiome sonore d’Ercilla et de ce poëte errant de nos jours, de ce proscrit de Cuba dont nous avons redit quelques vers ? L’œuvre poétique du nouveau monde sortira-t-elle du milieu d’un grand peuple uni dont elle semblerait l’hymne de reconnaissance et de triomphe ? Sera-t-elle le cri libérateur de quelque partie de ce grand peuple, se séparant du reste au nom de quelque impérieux devoir de religion et de justice ? Cette puissance de création littéraire enfin, qui manque encore à l’Amérique, sera-t-elle long-