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ET SUR LA POÉSIE LYRIQUE.

et pour modérateur le droit évangélique[1], la loi suprême de justice et de charité.

Sans doute, par l’imperfection humaine et l’imperfection démocratique, il a été, en Amérique, bien dérogé à cette loi divine, au milieu de l’empire qu’on affectait de lui reconnaître. La terre où le sentiment chrétien a tant de ferveur, où la règle religieuse a tant de puissance, est aussi le pays où, comme dans l’Asie et dans l’Europe chrétienne des premiers siècles, l’esclavage domestique, la vente, l’asservissement physique de l’homme sont encore maintenus.

Mais la liberté, qui permet bien des erreurs et bien des abus, a du moins ce salutaire effet de ne point les laisser en repos, de les inquiéter sans cesse par la contradiction et le blâme, de soulever au besoin contre eux la conscience humaine, et, tôt ou tard, de corriger la loi par l’instinct moral.

N’avons-nous pas sous les yeux aujourd’hui même le gage de cette vérité consolante ? Que, dans un district de l’Union, dans un des plus opulents et des plus endurcis par l’orgueil du bien-être et de la domination, une humble et pieuse femme ait élevé la voix contre l’usage impie et tout-puissant de l’esclavage domestique ; qu’elle ait attaqué du même coup la loi, le préjugé, l’avarice, la volupté, toutes les passions humaines coalisées sous le sceau de la coutume, du bon sens et

  1. Voir cette considération dans le bel ouvrage de M. de Tocqueville : De la Démocratie en Amérique.