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ET SUR LA POÉSIE LYRIQUE.

À la France, sur la translation des restes de Napoléon à Paris.

« Qu’elle te suffise, ô France, la gloire dont cet homme a rempli tes contrées ! Qu’il te suffise de voir dans l’histoire son grand nom uni au tien ! Qu’il te suffise de ce monument où sa puissante main a gravé sur le bronze une trace immortelle ! Laisse, laisse au monde ce sépulcre isolé, austère, où le destin rigoureux garde le colosse de l’ambition et de l’orgueil, entre des roches arides et désertes, tandis que la mer, avec un bruissement confus, vient briser à ses pieds les vagues écumantes.

Laisse-le là. Ni chants ni prières ne retentissent pour lui, sur cet âpre rocher, autour de sa tombe solitaire, mais éloquente dans son silence. Laisse-le là ! Sans cortége, enfermé seul, qu’il dorme sur son roc stérile et sombre, le roi sans dynastie, et qu’il ne vienne pas, enterré à l’étroit dans le Panthéon, entendre, ô Paris ! tes folles clameurs.

Sa tombe est Sainte-Hélène. Les noms de Wagram, d’Austerlitz, de Marengo et d’Iéna ne viennent pas y troubler son ombre mélancolique : ni la colonne altière ne protége de ses aigles cette tombe, ni le clairon ne sonne, ni le canon ne retentit auprès ; mais là le monde le contemple, et, plus que de ses victoires, est épouvanté de sa chute. Sur cet écueil même le colossal fantôme, voilé en silence de son manteau de gloire, voyant passer les révolutions et