Page:Villemain - Essais sur le génie de Pindare, 1859.djvu/598

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
590
ESSAIS SUR LE GÉNIE DE PINDARE

étincelantes du tropique : d’autres vers de Lamartine et de Victor Hugo, une pièce même de Parny, tout innocente il est vrai, se trouvent mêlés aux inspirations de doña Gomez. Lors même qu’elle se reporte à son pays natal, qu’elle y retourne en pensée pour répandre des pleurs sur un tombeau et célébrer son jeune devancier déjà mort, le poëte Heredia, elle met pour devise à son chant funèbre deux vers de Lamartine :

Le poëte est semblable aux oiseaux de passage,
Qui ne bâtissent pas leurs nids sur le rivage.

Ces chants et d’autres encore pouvaient paraître d’heureux échos d’une harmonie connue, des reflets d’enthousiasme dont l’ardeur même atteste plutôt l’émotion du souvenir que la soudaine création du génie. Mais doña Gomez, avec la maturité de l’âge et de la douleur, trouva mieux encore dans son âme, et l’indépendance même de la pensée vint donner à ses vers un accent original. Ainsi, à l’époque où fut délibéré en France le rappel, par transaction amiable, des restes glorieux de Napoléon, lorsque cette idée, aussi peu politique qu’elle était peu poétique, occupa le gouvernement et les assemblées législatives de notre patrie, dans le torrent de louanges et d’apothéoses qui par des modes différents ramenaient le culte toujours dangereux de la force, doña Gomez fit entendre ce noble avis d’une bouche étrangère :