Page:Villemain - Essais sur le génie de Pindare, 1859.djvu/589

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
581
ET SUR LA POÉSIE LYRIQUE.

lèbre, avec les nombres sonores de son idiome natal, répandit tout à coup son nom dans les États-Unis, que flattait cet hommage aux phénomènes de leurs solitudes sauvages encore.

Heredia, dans une lettre publiée par les journaux américains, avait raconté d’abord ce que ses vers ne pouvaient agrandir : « Mes regards, écrivait-il, se sont assouvis à contempler un des prodiges de la création.

L’immense cours d’eau passait en rugissant devant moi, et tombait presque à mes pieds, lancé de si haut. Les ondes, éparses en rosée légère sous la violence du coup, remontaient pressées en colonnes qui parfois s’étendaient à toute la largeur de l’abîme et cachaient une part de l’horizon…

Ce qui m’étonna le plus, c’est qu’à l’abord du précipice, les vagues résistent en sens contraire et s’entrechoquent comme pour échapper à l’impulsion qui les précipite, jusqu’au moment où, vaincues, elles s’abattent dans l’abîme avec un tonnerre souterrain, et font jaillir dans les airs d’immenses colonnes de nuées sur lesquelles l’arc d’Iris réfléchit ses plus éblouissantes couleurs. »

C’est l’esquisse du voyageur, de l’émigré des Andes accoutumé à la puissante nature du monde américain, et la trouvant dépassée dans ce désert. Maintenant, voici l’effort et l’appareil du poëte :

« Impétueux Niagara, toi seul, phare sublime, tu