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ESSAIS SUR LE GÉNIE DE PINDARE

vit sommeiller cependant ; et ce n’est qu’après 1800, après le spectacle de nos violences intérieures et de nos triomphes au loin, après l’alliance impérieuse de Napoléon, après l’humble soumission devant sa gloire, après la révolte désespérée contre sa trahison, ce ne fut qu’après tous ces calices épuisés qu’un grand mouvement de religion et de liberté, de patriotisme et de talent, reparut en Espagne.

Chose remarquable, qui se retrouve, à degrés presque égaux, dans les époques les plus distantes ! ce qui était imposé de souffrance et d’énergie à la vie active rendit une force nouvelle à la pensée. Au milieu même de la guerre et de l’anarchie, les études se ranimèrent, comme une arme de plus pour l’esprit du peuple qu’une main de fer voulait plier à son gré. Des talents qui s’ignoraient dans l’oisiveté d’une vie stagnante furent saisis d’une ardeur inattendue. Des hommes éloquents, des chefs par la parole, sortirent d’un monastère pris d’assaut, d’une cathédrale ruinée, d’un barreau dispersé devant une commission militaire.

Aux premières cortès de Cadix, en 1809, parmi les incohérences d’une constitution délibérée entre l’admiration aveugle de 1789 et les feux des batteries françaises, il se dit des choses admirables de sagesse comme de grandeur, il s’éleva des caractères dignes des jours les plus glorieux, luttant contre l’anarchie du même cœur dont l’Espagne résistait à l’occu-