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ESSAIS SUR LE GÉNIE DE PINDARE

il aura plus d’images que d’idées ; et ces idées, soudains éclairs du dehors, pourront quelquefois passer vite pour lui-même, tout en éblouissant au loin. Mais le don de Dieu déposé dans cette âme n’en est pas moins magnifique et rare. Plût au ciel seulement qu’elle eût brillé sur une de ces époques de droit durable et de liberté garantie, où la dignité du caractère, la puissance du talent, n’ont qu’à persister, à travers des obstacles prévus, dans une voie laborieuse, mais régulière et sans précipices !

Quoi qu’il en soit, avant ces épreuves trop violentes qu’impriment aux plus nobles caractères nos révolutions si rapides et nos fantaisies sociales trop réitérées, combien avaient été souvent heureuses les hardiesses d’imagination de ce talent jeune et libre, alors qu’on le voyait, comme il l’a dit lui-même :

Jeter le vers d’airain qui bouillonne et qui fume
Dans le rhythme profond, moule mystérieux
D’où sort la strophe ouvrant ses ailes dans les cieux.

Cet emprunt à la matière qu’affecte ici le poëte, pour nous éblouir des effets éclatants de son art, peut en être un symbole visible, mais n’en exprime pas toute la grandeur et la grâce parfois naïve. Sous le feu de la forge, sous la rayonnante ciselure, que d’émotion encore dans l’âme du poëte, quel charme nouveau dans sa peinture de l’enfance, dans sa plainte d’être dérangé, dans sa joie d’être inspiré par les