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ESSAIS SUR LE GÉNIE DE PINDARE

vérité divine. Un autre ordre d’idées, qui appartient moins à l’instinct de la conscience, qu’aux spéculations de l’esprit, pourrait faire supposer davantage une tradition reçue, un souvenir immédiat. On cite, par exemple, le passage où Platon, marquant divers degrés d’intelligence chez les hommes et le rang analogue qui leur est dû dans la Cité, exprime ces différences par les valeurs inégales des métaux. Cette théorie du philosophe est, disait-on, empruntée littéralement aux expressions allégoriques du prophète Ezéchiel : « Il m’a été fait, dans la maison d’Israël, des fils de l’homme mélangés tous de cuivre, d’étain, de fer ou de plomb. »

Cependant, ici même, la ressemblance prouve-t-elle l’imitation ? L’image rencontrée par le prophète et par le philosophe ne naissait-elle pas pour l’un et pour l’autre de la vue des mêmes objets ? Aussi de savants esprits se sont-ils attachés à des rapports plus généraux. Un d’eux a cru voir dans la République de Platon plusieurs traits distinctifs de la Cité judaïque, comme il reconnaît l’empreinte des prophètes hébreux dans l’idée que le sage Athénien se fait de Dieu et du bonheur des justes. « Même simplicité de mœurs, dit-il ; même vie, même fin proposée chez le peuple de Moïse et dans la Cité de Platon. Le caractère même du chef politique retracé par le philosophe est modelé sur le législateur hébreu : c’est un naturel extraordinaire, une éducation miraculeuse, une égale aptitude à la vie contemplative et à la vie active. Ce type,