à tour populaire ou savant, moqueur ou mélancolique, sceptique ou religieux, ce fond de poésie, sous des mains diverses, occupa vivement la France. On sait, et l’histoire même ne l’oubliera pas, ce que fut Béranger, le trouvère artistement familier, le tacticien politique de la prétendue chanson des Bonnes gens, le poëte élégant et passionné de plus d’un noble souvenir, le panégyriste de l’orgueil national, ingénieux à charmer ou plutôt à aigrir par ses chants la plaie toujours vivante de tant de gloire inutile et de tant de triomphes perdus par la faute d’un homme.
Béranger n’a été, quoi que vous puissiez dire, ni un sage et grand publiciste, ni un utile ami de la liberté ; mais il a rencontré dans son art l’accent lyrique, et il a su toucher la passion de la foule en plaisant au goût des habiles. Les chants tardifs et posthumes qu’il a laissés sur Sainte-Hélène n’ajouteront pas aux chansons de la Grand’Mère ou du Vieux Sergent ; mais ces chansons-là vivront comme l’esprit français, dont elles ont la puissance.
Et cependant, à l’heure même où triomphait cette verve militaire et moqueuse, devant ce culte du drapeau et cette dérision du froc, aux accents calculés de cette muse parfois cynique pour se montrer plus patriote, quelle autre voix enchantait surtout les oreilles et les cœurs ? C’était une chaste harmonie, mélodieuse sans art, émue sans passion terrestre, presque monotone et toute charmante ; c’étaient les premiers et les