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ET SUR LA POÉSIE LYRIQUE.

l’anxiété d’un cœur qui bouillonne indomptable sous la pensée de l’empire, il les sentit en soi, et il tint dans ses mains un prix qu’il y avait folie d’espérer. Il éprouva tout : la gloire, plus grande après l’extrême danger, la fuite et la victoire, le palais des rois et l’exil ; deux fois dans la poussière, deux fois sur l’autel !

Deux siècles, l’un contre l’autre armés, se tournèrent avec soumission vers lui, comme attendant le destin ; il leur imposa le silence, et il s’assit arbitre entre les deux.

Il a disparu ; et il a clos ses jours en paix, dans des termes si courts, objet d’immense envie et de pitié profonde, de haine inextinguible et d’insurmontable affection.

Comme sur la tête du naufragé le flot s’est amassé et pèse, tel sur cette âme l’amas des souvenirs est descendu.

Oh ! combien de fois il a entrepris de se raconter lui-même à l’avenir ! et sa main fatiguée est retombée sur les pages éternelles.

Oh ! combien de fois, au silencieux déclin d’une inerte journée, les foudres de ses yeux abaissés vers la terre, les bras croisés sur sa poitrine, il s’est arrêté, assailli du souvenir des jours qui ne sont plus ! Il a songé dans sa pensée aux tentes mobiles, aux retranchements forcés, à la lance flamboyante des escadrons, au torrent des coursiers qui s’élancent,