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ESSAIS SUR LE GÉNIE DE PINDARE

et dépouillée de ses plus belles strophes par quelques vers de Lamartine, cette ode peut résister même à la faiblesse de la prose. Ou y sent l’âme poétique :

« Il n’est plus ! De même qu’immobile, après le dernier soupir exhalé, son corps gisait insensible, privé d’un si grand souffle ; ainsi la terre, frappée à cette nouvelle, reste dans la stupeur. Elle est muette, en pensant à la dernière heure de cet homme fatal ; et elle ne sait pas quand pareille empreinte d’un pied mortel marquera sa poussière ensanglantée.

Foudroyant sur le trône je l’ai vu, et me suis tu. Alors que, dans une vicissitude continue, il tombait, se relevait, retombait encore, au bruit de mille voix je n’ai pas mêlé la mienne.

Pure d’un servile hommage et de lâches insultes, elle se réveille maintenant, émue à la soudaine extinction de cette grande lumière ; et elle déploie devant l’urne funèbre les strophes d’un chant qui peut-être ne mourra pas.

Des Alpes aux Pyramides, du Mançanarès au Rhin, il tenait sa foudre prête derrière l’éclair ; et son regard portait de Scylla au Tanaïs, et de l’une à l’autre mer.

Était-ce vraie gloire ? À la postérité ce difficile jugement. Pour nous, inclinons la tête devant le Très-Haut, qui voulut laisser sur cet homme la plus vaste empreinte de son esprit créateur.

L’orageuse et tremblante joie d’un grand dessein,