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ET SUR LA POÉSIE LYRIQUE.

brûlant de l’Inde. Cet aimable et vertueux génie fut enlevé au monde, à ses compatriotes, dont il adoucissait la puissance, à ces millions d’hommes qui, dans leur abaissement et leur ignorance, avaient appris à prononcer son nom, et supposaient vaguement quelque sainteté dans une religion dont il était l’apôtre. Mais ce zèle même, si consumant pour la faiblesse du corps, cette ferveur ingénue qui semblait un don de l’Église primitive, s’alliaient en lui aux vues les plus hautes sur le mouvement de la race humaine ici-bas et le progrès nécessaire de l’Évangile. Tous les peuples du monde étaient présents à sa charité ; et ce pieux enthousiasme anticipait de quelques siècles, à ses yeux, le travail des peuples civilisés, ce travail de salut spirituel incessamment servi par les guerres, le commerce, les arts, l’ambition de puissance et de gain des nations de l’Europe. Un simple prélude qu’on lui avait demandé, pour une quête en faveur de missions évangéliques, devient un hymne sur la future conversion du monde :

« Des montagnes glacées du Groënland, des rivages de corail de l’Inde jusqu’aux lieux de l’Afrique, où des sources brûlantes roulent leur sable d’or, de la rive des fleuves, du fond des plaines ombreuses, les hommes nous appellent pour les délivrer d’esclavage.

« Bien que des brises parfumées passent avec douceur sur l’île de Ceylan, bien que chaque horizon y charme les yeux, et que l’homme seul y soit dégradé,