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ESSAIS SUR LE GÉNIE DE PINDARE

une couche de feu allumé par la nature, un sol sec et brûlant, entre quelques débris de tours écroulées, au-dessus desquels le pepel étend son ombre ; ou bien, autour d’une tombe, il enlace ses écailles, gardien naturel des portes de la mort. Avance encore ; non, arrête-toi. Regarde maintenant sous les rameaux du bambou courbés en arc, là où, semant d’étincelles cette obscurité sainte, la fleur écarlate du géranium resplendit aux yeux, et notre sentier s’égare entre maints berceaux d’arbres odorants et de fleurs gigantesques, tandis que l’éclat rougissant du ceiba se déploie au-dessus de l’ombrage plus modeste du plantain aux larges feuilles et sur les rangées de l’ananas rugueux. Pendant que sur le bocage, le bétel si sauvage et si beau agite sa cime dans l’air, le faisan magnifique, avec sa queue traînante et ses ailes étendues, s’élance d’un rapide essor, et aussi le volatile aux cent couleurs, dont les dames d’Ava prisent tant le plumage. »

Peut-être, lecteur français, ces noms étrangers, cet amas de vives couleurs, vous semblent-ils monotones, comme les cieux qu’ils rappellent ; mais l’âme du poëte va reparaître dans quelques vers tout anglais de sentiment et de paysage :

« Jamais si riches ombrages et pelouses si verdoyantes n’ont tressailli aux pas de nos danses britanniques. Et pourtant, qui de nous s’est arrêté sous les berceaux indiens, et n’a pas aussitôt songé aux vertes forêts de l’Angleterre, et sous l’ombre des palmiers n’a