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ET SUR LA POÉSIE LYRIQUE.

que souvent elle les éclaircit, les acheva, voudrait-on se défendre d’un affectueux respect, même pour ce qui peut causer l’étonnement ou le sourire, dans l’intimité d’une si tendre union ? Ne craignons pas d’en recueillir encore le pur et gracieux témoignage dans d’autres vers, où le même amour est entouré et comme pénétré de cette douce et brûlante vapeur de l’Inde. Cette fois les deux époux ne sont pas séparés, et ils respirent d’une même haleine ce délicieux climat où Réginald Héber devait bientôt laisser sa vie. Hâtez-vous, assistez un moment à son repos du soir :

« Notre tâche du jour est achevée. Sur le sein du Gange, le soleil incliné s’abaisse pour le repos. Amarrée sous les bosquets de tamarin, notre barque a trouvé son asile aujourd’hui. Avec sa voile repliée et ses flancs décorés de peintures, vois s’avancer la petite frégate : sur sa poupe, aux clartés du charbon, le souper savoureux du musulman bouillonne, tandis qu’à l’écart, dans l’ombre du bois, l’Hindou prépare sa nourriture plus simple.

« Viens errer avec moi à travers la forêt. Si le chasseur de là-bas nous a dit vrai, au loin, dans le désert marécageux et sauvage, le tigre a établi sa solitude ; et averti, à son récent dommage, d’éviter la foudre des fusils anglais, de ses rares, mais cruelles attaques, il ne revient plus ensanglanter le hameau. Avance hardiment. Le venimeux serpent ne s’abrite pas sous un si frais bocage : fils du soleil, il aime à reposer sur