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ESSAIS SUR LE GÉNIE DE PINDARE

la préoccupation paraît excessive. N’y eut-il cependant aucune émanation de la Judée dans la Grèce, avant Alexandre ? Peut-on l’affirmer absolument, lorsqu’à l’origine et dans les premiers souvenirs des cités grecques on rencontre le nom des Phéniciens et l’influence présumée de leurs arts ? Un savant ouvrage du dix-septième siècle, tout chargé de grec et d’hébreu, sous ce titre : Delphes devenue Phénicienne[1], retrouve dans Apollon une copie de Josué, dans le serpent Python un souvenir du roi Og, et dans les jeux pythiques, dans les chants qui les célèbrent, une tradition de la Judée. À l’appui de cette assertion étaient cités les livres saints eux-mêmes, puis les auteurs profanes. Au chapitre III des Machabées on empruntait ces mots : « Les nations liraient du livre de la loi l’idée de leurs idoles. » Et Plutarque ayant rappelé l’usage consacré de l’exclamation ἐλελεῦ ! ἰοῦ, ἰοῦ ! dans le chant du Pæan, on reconnaissait dans ces termes étrangers à l’idiome grec l’alleluia des Hébreux.

La même érudition croyait découvrir dans d’autres circonstances des fêtes et des jeux grecs une fréquente imitation de l’histoire et de la poésie d’Israël[2] ; elle étendait cette hypothèse au mythe de Bacchus, dont elle trouvait le type dans Noé ; enfin elle supposait les Lacédémoniens une colonie des Juifs et

  1. Delphi Phœnicizantes, etc., etc., auctore Edm. Dickins. Oxon. (1655).
  2. Ibid.