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ET SUR LA POÉSIE LYRIQUE.

septième siècle, donnait au génie hébraïque dans la formation des peuples païens. Non-seulement l’érudition de cette époque affirmait, par des raisons qui subsistent toujours, l’antiquité comme la sublimité de nos livres saints ; mais elle y voyait l’origine presque unique et le type primordial des lettres profanes et du génie grec. Et ce ne sont pas de médiocres esprits, mais des Scaliger, des Grotius, des Selden, des Huet, qui poussèrent plus ou moins loin cette hypothèse, où se plaisait le génie savant et inspiré de Milton.

Bien avant que cette transmission devînt une arme dogmatique pour le Christianisme, elle avait été la prétention des Juifs visités par la conquête et les arts de la Grèce. Dégénérés de leur ancien génie et de leurs propres lois, ils aimèrent, en apprenant la langue et les sciences des Grecs, à y reconnaître la trace d’eux-mêmes et l’altération continue de leur ancienne histoire. Les livres de Philon, de Josèphe, les fragments de Nicolas de Damas, et, sous la même influence, d’autres écrits tout chrétiens, offrent partout cette idée, que Clément d’Alexandrie étendit jusqu’à ne faire du polythéisme et de la poésie des Hellènes qu’une contrefaçon et un plagiat de la Bible. Rien de moins fondé sans doute ; et, lorsque l’auteur des Stromates et de l’Exhortation aux Gentils prétend toujours découvrir dans les philosophes et les poëtes de la Grèce des traces du monothéisme hébraïque et des emprunts faits à sa législation, à son histoire, à ses prophètes, la preuve manque souvent et