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ET SUR LA POÉSIE LYRIQUE.

teur leur de la médiocre tragédie de Didon a rencontré quelques strophes immortelles ? Et ce jeune satirique, suicide en délire, mourant à l’hôpital, Gilbert, ne fallait-il pas la consolation de la foi, dans l’agonie de l’extrême malheur, pour lui inspirer la pure et navrante mélodie de ses derniers vers ?

Mais, dira-t-on, malgré ces rares exemples, la flamme manquait au foyer. Trop raffinée, trop amollie dans ses premiers rangs, trop inégale, trop disparate dans son assemblage, aussi forte par les lumières que faible par les mœurs, la société française était énervée pour l’invention, et avait besoin d’être rajeunie par des événements nouveaux. Voici venir cette grande épreuve. Sans doute, il est juste d’y suivre et d’y reconnaître, parmi d’affreux conflits, une touchante physionomie de poëte, une tête de héros et de victime, André Chénier, saluant avec l’hymne de l’espérance l’Assemblée nationale, puis frappant de l’anathème d’Archiloque la trahison sanguinaire, ou pleurant comme Simonide sur l’innocence et le malheur. Noble soldat de la muse lyrique, poëte de la liberté, de la vertu courageuse et de l’amour, fils du génie grec et de la France, non, les louanges données à ton nom, dans notre âge récent de poésie, n’étaient ni vaines ni forcées ! la lumière si tôt évanouie brillera sur l’entrée de cet âge que devaient illustrer Chateaubriand, Byron, Lamartine et l’exilé de Guernesey !