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ET SUR LA POÉSIE LYRIQUE.

milieu de renommée qui n’excite plus ni enthousiasme ni démenti. Son art éclatant, mais non sans faux goût, n’arrêtait pas une décadence que précipitait, dans le cours du dix-huitième siècle, le génie même qui la rendait si piquante et si populaire.

Nous ne voulons pas tomber tout à la fois dans le paradoxe et dans le lieu commun qui faisaient de Voltaire le Sénèque de la poésie moderne. Rien de moins vrai que d’imputer à ce facile génie, à cet esprit si juste et si naturel, les torts de l’affectation et de la subtilité. Disons plutôt que, pour le sens droit et vif, pour le bon goût dans l’art, il avait suspendu la décadence et fait remonter les esprits de la finesse trop ingénieuse de Fontenelle à la rapide brièveté d’une élégance plus saine et plus simple. C’est là le titre de gloire de Voltaire dans sa prose, et dans cette partie de ses poésies que le sujet, le temps, la libre humeur du peintre, pouvaient rendre quelque peu prosaïques, sans les laisser moins originales.

Il n’en fut pas ainsi, pour lui, dans la grande et forte poésie. Jamais l’auteur octogénaire de l’incomparable Épître à Horace n’avait, même dans sa plus ardente jeunesse, retrouvé sur la lyre les touches vives et savantes du poëte romain.

Aussi se moquait-il fort de Pindare, nous l’avons vu, à peu près comme de Sophocle, que du moins il imitait mieux. Là même, cependant, son vers pompeux ou négligé, empruntant de Racine l’élégance plutôt que