tagne, et disparaît englouti par la rivière qui coule à ses pieds. »
« Dans la réalité, dit le critique, ce plan était plus beau ; mais le poëte n’a pu le remplir, parce que les exemples d’élévation et de liberté dont il aurait eu besoin lui manquaient. La race des dominateurs normands a pu s’éteindre et faire place au retour du sang anglais sur le trône ; mais la race des bardes patriotes, anéantie par la cruelle précaution d’Édouard, ne s’est pas ranimée.
« Le vieux Spencer, dans l’harmonie de ses stances savantes, demeura poëte allégorique et poëte de cour. Shakespeare, avec son merveilleux génie pour tout peindre, ne fut pas le poëte courageux qui se charge de flétrir le vice et la mollesse.
« Parfois même, il se plut à les faire applaudir dans son ignoble Falstaff ; et, peintre admirable des mœurs, il n’en est pas le peintre moral. Milton a gardé, pour la prose de ses controverses, ce feu de liberté trop ardent qui tourmenta sa vie, et parfois égara sa noble conscience ; et il n’en a reporté dans ses vers que quelques lointains reflets, étant là, par son inspiration même, moins occupé de la terre que du ciel, et moins citoyen que mystique. On dirait même que, sans le vouloir et par instinct de poëte, il ne s’est souvenu des débats de la liberté anglaise et des passions de l’indépendance, qu’en leur donnant l’enfer pour séjour, et les démons pour interprètes.