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ESSAIS SUR LE GÉNIE DE PINDARE

cœur, vous êtes morts au milieu des cris de notre patrie mourante ; je ne pleure plus. Ils ne sont pas ensevelis dans le sommeil de la tombe. Sur ces collines, là-bas, je les vois siéger, terrible bande, bien que languissants encore : vengeurs de leur terre natale, ils se joignent à moi dans un redoutable concert ; et ils tressent de leurs mains sanglantes la trame de ta lignée : filez le rouet et tissez la toile enroulée de la race d’Édouard ; donnez-lui grande étendue et assez de marge pour y tracer les caractères infernaux.

Marquez l’année et marquez la nuit où la Severn répétera avec épouvante les râles de mort qui bruissent à travers les voûtes de Berkley, les râles d’un roi agonisant…

Remplissez jusqu’au bord la coupe étincelante ; apprêtez le riche repas : privé d’une couronne, il peut encore prendre place au festin ; tout près du siége royal, la soif amère et la famine jettent de côté un lugubre sourire sur leur hôte bafoué. Avez-vous entendu bruire le tocsin de la bataille, lances contre lances, coursiers contre coursiers ? De longues années de désastres précipitent leur cours fatal, et s’ouvrent passage entre des escadrons de guerriers du même sang. Vous, tours de Jules César, opprobre durable de Londres, nourries de meurtres hideux, à l’heure de minuit, respectez la vertu fidèle de sa compagne, la renommée de son père ; épargnez la