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ET SUR LA POÉSIE LYRIQUE.

rois ; le sceptre et la couronne tombent à terre et gisent dans la poudre, confondus avec la, pauvre faucille et la bêche. Quelques-uns moissonnent de l’épée les campagnes, et sèment des lauriers à la place où ils ont donné la mort ; mais la vigueur de leurs muscles doit céder enfin. Ils abattent encore un ennemi ; puis, tôt ou tard, ils succombent, et, se traînant pâles captifs, rendent à la mort le dernier soupir.

Les guirlandes se fanent au front couronné : ne vous vantez plus de vos faits d’armes ! Sur l’autel sanglant de la mort le vainqueur est immolé en sacrifice. Seules, les actions du juste exhalent un doux parfum, et fleurissent dans la cendre du tombeau[1]. »

Récitées devant Cromwell, ces strophes le troublèrent, dit-on, jusqu’à la terreur. Il sortit brusquement, comme, au chant guerrier de Timothée, Alexandre avait saisi ses armes. Et cependant ce n’était pas encore la poésie anglaise donnant l’image la plus rapprochée du génie lyrique des peuples libres.

Dans les temps agiles qui suivirent le règne glorieux d’Élisabeth, dans ces jours de sombre enthousiasme et d’énergie guerrière, entre le fanatisme de la religion et celui de l’honneur, l’imagination savante

  1. Quarterly Review, t. XLIX, p. 12.