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ET SUR LA POÉSIE LYRIQUE.

chants guerriers de Sigurd, l’Aatla-mal et les Niebelungen ont été jugés, parfois reproduits avec autant d’exact savoir que de vigueur et de coloris. La filiation de cette poésie jusqu’à nos temps les plus modernes, la tradition tour à tour naïve ou raffinée qu’ont exploitée dans l’Europe du Nord tant de talents célèbres, les nouvelles créations ou du moins les nouvelles théories sorties de cette libre étude, ont trouvé d’habiles interprètes et d’habiles critiques. Nous ne savons ni n’osons raisonner sur un hymne de la Messiade, sur un chant guerrier de Gleim ou sur un chœur de Schiller, après madame de Staël, M. de Barante, M. Saint-Marc Girardin, M. Ampère, et sans être soutenu comme eux par l’original.

Le seul travail permis à notre scrupule, c’est de chercher un reflet de l’inspiration septentrionale dans ce génie puissant et mixte de l’Angleterre, où la veine du Nord est demeurée si forte. On le sait, ce génie, dès qu’il se tourna vers les arts, aima l’Italie, en étudia, en imita la poésie. Cette part est grande dans Chaucer, plus grande encore dans Shakspeare, c’est-à-dire dans la poésie anglaise elle-même. Nous sentons partout ce que le souvenir de l’Italie jeta de douceur dans les vieux poëtes de la rude Albion, dans les sonnets de Daniel, dans Surrey, dans Spencer, dans Waller, dans le grand Milton lui-même.

Puis, à part ce souffle méridional, nous savons combien, par l’esprit de secte et de méditation, par la

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