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ET SUR LA POÉSIE LYRIQUE.

l’indépendance arbitraire du goût. Les odes et les hymnes de Ronsard, ses grandes tentatives pindariques, demeurent avec raison les plus illisibles de ses poëmes. Jamais l’imitation de Pindare ne fut plus fatale au talent. Sous l’amas des épithètes et la barbarie d’un néologisme tout grec et tout latin, le poëte perd cette veine française et ces tours nerveux et naïfs que Malherbe plus tard recueillait dans le parler vivant de la foule, en les ennoblissant par le nombre et l’harmonie. Plus ambitieux, avec un instinct moins sûr, Ronsard avait été trompé par l’éclat de la Renaissance et par l’éblouissement dont les chefs-d’œuvre antiques frappaient leurs studieux lecteurs.

Le génie de Pindare brillait au premier rang, parmi ces astres retrouvés à l’horizon. Dès le milieu du seizième siècle, dans la ville de Tubinge en Allemagne, un cours public attirait de nombreux élèves pour entendre expliquer les hymnes du chantre thébain ; et le professeur allemand, élève des réfugiés de Byzance, célébrait lui-même dans des strophes grecques la belle poésie qu’il interprétait.

En France, où le zèle nouveau de l’antiquité n’était pas moins puissant et comptait des prosélytes passionnés dans tous les rangs, Pindare était commenté, admiré, depuis les ateliers d’Henri Étienne jusqu’aux doctes chambres du parlement de Paris. Un magistrat de cette cour suprême, le Sueur, traduisait en strophes latines d’une rare élégance tous