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ESSAIS SUR LE GÉNIE DE PINDARE

en dit assez. Il suffit du présent. Ici se voient la fumée et la flamme ; ici retentissent encore aujourd’hui les gémissements et les rauques accents. Ce fantôme ou cette pieuse croyance domine les habitants du voisinage. Ils racontent que dans la nuit on entend une voix lamentable s’écrier entre des pleurs : Italica n’est plus ! Et le lugubre écho répète : Italica ! dans l’épaisse forêt qui s’élève en face. Italica ! à ce grand nom prononcé, les nobles ombres de cette grande ruine renouvellent leurs gémissements, et le peuple aussi les partage. »

Ce chant si poétique était composé pour la fête d’un ancien évêque, réputé jadis martyr dans Italica. La poésie en Espagne est amoureuse et guerrière ; mais elle est plus pieuse encore. C’est à ce titre qu’une sainte célèbre, qu’une fondatrice de monastères de femmes a été nommée quelquefois le plus grand poëte de l’Espagne. Sans doute, on n’entendait pas désigner seulement quelques sonnets pleins de ferveur, inspirés aux pieds de la croix : c’étaient l’extase contemplative et la charité passionnée de la sainte qu’on voulait exprimer par ce mot de poésie. N’est-ce pas elle, en effet, qui, toute ravie d’amour divin, s’écrie dans un cantique : « Je vis, sans vivre en moi-même ; j’aspire à une vie si haute, je la sens si proche, que je meurs de ne pas mourir ! » Dans ce dégoût de la terre, dans cette soif d’agonie et de bonheur céleste, les pensées de la sainte, ses stations forcées ici-bas, ses ardeurs d’espérance,