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ET SUR LA POÉSIE LYRIQUE.

honneur de l’Espagne, le pieux, l’heureux, le triomphateur Trajan, devant qui se prosternèrent dans le silence et la terre qui voit le lever du soleil et celle que baignent les flots, vaincus aussi, de la mer de Cadix. Ici, d’Adrien, du divin Théodose on remua les berceaux ornés de marbre et d’or ; ici on vit couronnés de lauriers et de jasmins les vergers qui ne sont plus que des buissons et des marais. Le palais bâti pour César n’est plus, hélas ! que le vil repaire des reptiles. Les palais, les jardins, les Césars, ont péri ; et aussi les pierres qui parlaient d’eux.

Fabius, si les pleurs n’offusquent tes regards, promène ta vue attentive sur ces longues allées détruites ; vois ces marbres et ces arcs de triomphe abattus ; vois ces statues superbes qu’a renversées Némésis, couchées dans la poussière, et les maîtres qu’elles représentent, enterrés dans un profond oubli. Tels je me figure Troie et son antique rempart : telle aussi toi-même, Rome, à qui ton nom reste à peine, ô patrie des dieux et des rois ! telle encore toi à qui la sagesse de tes lois n’a pas servi, toi le monument de Minerve, savante Athènes, hier le modèle envié des siècles, aujourd’hui cendre et vaste solitude ! Car le Destin et la Mort ne vous ont épargnées, ni l’une pour sa science, ni l’autre pour son courage.

Mais pourquoi mon esprit va-t-il chercher au loin un nouveau sujet de tristesse ? Un moindre exemple