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ESSAIS SUR LE GÉNIE DE PINDARE

adresse à un ami cette majestueuse complainte, où la grandeur est décrite sans emphase, et le néant des efforts humains déploré sans faiblesse :

« Ces champs, ô douleur ! où tu vois maintenant un désert, une lugubre vallée, furent jadis la fameuse Italica. Ici fut la victorieuse colonie de Scipion. Voici gisant à terre l’orgueil de ses redoutés remparts ; et il n’y a plus qu’une lamentable relique de son peuple invincible. Voici seulement des inscriptions funèbres, là où passèrent des ombres glorieuses. Cette plaine fut un forum. Ici fut un temple ; et de tout il reste quelques vestiges à peine. Des cendres éparses couvrent le gymnase et les thermes royaux. Les tours, dont la hauteur défiait les airs, ont cédé sous leur propre poids.

Ce cirque démoli, jadis offrande sacrilége à des dieux qu’insultent quelques herbes sauvages, représente, théâtre tragique ouvert au drame du temps, quelle fut autrefois sa propre splendeur, et quelle est sa ruine. Pourquoi, dans le vaste cercle de son arène déserte, le grand peuple ne fait-il aucun bruit ? Il y a des bêtes féroces ; où donc est le gladiateur nu ? où est le courageux athlète ? Tout a disparu. Le Destin a changé les cris d’allégresse en muet silence. Mais, dans ces débris mêmes, le temps étale aux yeux de formidables spectacles ; et, devant ces images confuses, l’âme a entendu des cris de douleur.

Ici naquit ce foudre de guerre, père de la patrie,