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ET SUR LA POÉSIE LYRIQUE.

bon Pasteur conduit vers vous, sans écart, son troupeau chéri. Il va, et ses heureuses brebis le suivent là où il les nourrit de roses immortelles et d’une fleur qui s’épanouit plus abondante, plus elle est cueillie ; il les conduit à la montagne du bien suprême ; il les baigne dans la source de l’immortelle joie ; il leur donne la pleine moisson, le pasteur et le pâturage, le seul parfait bonheur.

Et lorsqu’au zénith est monté le soleil, ce bon Pasteur repose entouré de son troupeau. Il charme de sons harmonieux l’oreille des saints…

Ô voix paisible ! Puissent quelques parcelles en venir jusqu’à moi, enlever mon âme hors d’elle-même, et la confondre avec toi, céleste amour ! là où l’intelligence, délivrée de cette prison mortelle, vivrait unie à ta lumière, libre, sans être errante ! »

À cette tendresse d’âme, à cette ardeur mystiquement idéale Luis de Léon joignait une séve de souvenirs antiques non moins reconnaissable dans quelques autres poëtes de son temps et de son pays. Nulle part ce caractère n’est plus expressif et plus heureux que dans l’ode célèbre de Francisco Rioja, les Ruines d’Italica.

Ce n’est plus l’Espagne de Pélage et des Maures, du Cid et des Abencerrages : c’est l’Espagne romaine retrouvée dans les débris de ses monuments ; c’est l’ombre de Rome évoquée sur une de ses plus nobles conquêtes par la foi chrétienne, qui lui a succédé. Le poëte

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