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ESSAIS SUR LE GÉNIE DE PINDARE

là fleurit le printemps des deux. Ô vertes campagnes ! ô prés embellis d’une immortelle fraîcheur, secrètes vallées de mille biens remplies ! »

La langue du poëte, même pour redire ce bonheur céleste, ne saurait trouver que des images mortelles ; mais la passion dont il est inspiré est toute spirituelle et tout idéale. On peut nommer cette poésie le chant de l’amour pur.

« Quand, dit-il dans une autre méditation, libre de ce cachot, pourrai-je m’envoler aux cieux, et, sur le char qui fuira le plus loin d’ici-bas, contempler la vérité sans faux mélange ? Associé à sa vie divine, transformé moi-même en lumière éclatante, je verrai, à la fois distinct et confondu, ce qui est, ce qui a été, et l’essence intime et cachée de toute chose… »

Dans cette rêverie même, le pieux Espagnol rencontrait les enthousiasmes d’une autre poésie, ces élans de Lucrèce et de Virgile pour admirer les phénomènes de la nature et pour en pénétrer le mystère. Il les imite d’abord ; mais sa foi naïve lui donne sur ce monde des cieux d’autres accents d’une douceur incomparable, et le charme de l’amour divin élève encore l’inspiration même du talent par cette idée des béatitudes célestes qui lui est présente et familière :

« Douce et lumineuse contrée, dit-il, prés fleuris que ne brûlent ni la gelée ni le soleil, sol fertile qui produis la consolation éternelle ! la tête couronnée de pourpre et d’une blanche auréole, le