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ET SUR LA POÉSIE LYRIQUE.

de nos jours par la mélancolie et la satiété du cœur. Telle est cette méditation lyrique, la Nuit sereine, à don Oloarte :

« Quand je contemple le ciel paré d’innombrables flambeaux, et que je ramène mes regards sur la terre enveloppée de la nuit et livrée au sommeil et à l’oubli, l’amour et la tristesse réveillent en mon cœur une ardente inquiétude ; des flots de larmes s’échappent de mes yeux, et je dis enfin, d’une voix brisée :

Ô divine demeure, temple de lumière et de beauté, cette âme qui naquit pour ton sublime séjour, quelle malencontre la retient dans cette prison basse et obscure ? Quel mortel, aliéné de lui-même, rejette si loin de soi la vérité qu’oublieux de tes dons célestes, il s’égare à la poursuite de l’ombre d’un faux bien ?…

Ah ! levez les yeux vers la sphère éternelle ; vous dédaignerez les aspects de cette vie menteuse, et tout ce qu’elle craint, et tout ce qu’elle espère. Est-ce autre chose qu’un point fugitif, ce sol abject et misérable, comparé à la grande région où vit transformé, sous une même splendeur, ce qui est, ce qui sera et ce qui fut pour nous ?…

Là règne la joie suprême, là domine la paix ; là, reposé dans un saint asile, respire l’amour divin entouré de gloire et de délices ; là l’infinie beauté se dévoile tout entière ; là resplendit dans tout son éclat ce jour pur auquel jamais ne succède la nuit ;

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