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ESSAIS SUR LE GÉNIE DE PINDARE

miracles et du martyre, que ne la ressent, après tant de siècles, le poëte inspiré par sa foi. Jamais solitaire n’entrevit davantage le ciel. On croirait entendre la surprise et les vœux des apôtres, dans cet hymne pour la fête de l’Ascension :

« Délaisses-tu donc, saint Pasteur, ton troupeau dans cette vallée profonde, obscure, avec la solitude et les regrets ! Et toi même, brisant la barrière limpide des airs, t’en vas-tu vers l’immortel asile ? Ceux qui naguère avaient le bon partage, et qui maintenant sont tristes et abattus, les fils de ton cœur, dépossédés de toi, où porteront-ils désormais leur amour ?

Leurs yeux, qui virent la beauté de ta face, que regarderont-ils encore, qui ne leur soit ennui ? Le disciple qui a entendu la douceur de ta voix, quel son ne lui semblera pas disgracieux et sourd ?

La mer turbulente, qui lui donnera désormais un frein ? Qui pourra calmer le courroux des vents déchaînés ? Quand tu as disparu, quelle étoile polaire guidera la nef vers le port ?

Ah ! nuée trop envieuse de cette courte joie, pourquoi te presses-tu ? Où t’envoles-tu si vite ? Quel trésor tu emportes ! Combien pauvres et aveugles tu nous laisses ici-bas ! »

Le même tour d’imagination, la même ferveur mystique anime d’autres chants de Luis de Léon, et en fait le poëte illuminé par la grâce divine, comme on l’a été