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ET SUR LA POÉSIE LYRIQUE.

les œuvres récentes de l’Italie ; et rien ne lui manqua de ce qui peut fortifier et ennoblir le talent. Professeur à l’université de Salamanque, Luis de Léon, sur l’accusation d’avoir traduit pour un ami le Cantique des cantiques fut persécuté par le saint office, et subit cinq ans de pénitence et de prison. Rendu enfin à la lumière du jour et à sa chaire, devant un immense auditoire, il reprit ainsi son enseignement : « Je vous disais, à notre dernière séance… » Puis il rappela simplement quelque précepte littéraire, quelque vérité déjà connue, comme si tout autre souvenir de sa longue séquestration eût disparu de sa mémoire.

À l’abri sous cette paisible fermeté d’âme, Luis de Léon cependant n’eut jamais, dans la suite, aucune part aux dignités de l’Église, aux faveurs de la cour. Il écrivit avec éloquence des Méditations pieuses ; et ses poésies, imitées des anciens ou originales, furent admirées, sans être aussi populaires que les vieilles romances du pays et les chants irréguliers du théâtre. Il y avait en lui veine lyrique par l’imagination et l’harmonie. Ce n’est pas d’une ode de Pindare élégamment traduite que nous savons gré à Luis de Léon ; ce n’est pas même de sa belle imitation de l’ode d’Horace sur la Prédiction de Nérée. L’art de ce poëte est partout exquis et brillant ; mais son charme est surtout religieux. Je ne sais si cette poésie des premiers temps chrétiens, à laquelle nous nous sommes arrêtés, offrit émotion plus naïve, le lendemain des