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ESSAIS SUR LE GÉNIE DE PINDARE

de l’Europe, n’attendent pour revivre que le souffle et les arts du monde chrétien. Ce seraient là nos colonies les plus proches et les plus sûres. C’est pour l’Europe le dédommagement tout préparé à la séparation, à la croissance du nouveau monde, qui lui est échappé sans retour.

Dans la tradition moderne, et entre ses instincts nationaux maintenus à degrés divers, il n’est pas de vérité plus sentie que l’aversion pour la barbarie mahométane, et ce besoin de l’éloigner de l’Europe, partout attesté dans l’histoire. Ce que la religion seule avait d’abord réclamé, ce que toute grande politique devait ambitionner, la civilisation, le bon sens, la nécessité, l’accompliront dans un terme prévu ; et le poëte illustre qui, de nos jours, avait des premiers invoqué et promis cette délivrance, malgré sa rétractation qui nous afflige, aura été, nous l’espérons, non pas rêveur, mais prophète.

Un compatriote d’Herréra, du même temps, et d’un plus rare génie, c’est un religieux de Grenade, Luis de Léon, qui mourut à Madrid, en août 1591, avec la renommée de grand prédicateur et de grand poëte. Luis de Léon dément la prévention de recherche et d’emphase attachée à son pays. C’est l’Espagnol classique ; et chez personne, cependant, l’imagination religieuse n’eut plus d’enthousiasme et de libre ferveur. Mais l’étude des grands modèles avait réglé cette vive et heureuse nature. L’hébreu, le grec, lui étaient familiers comme