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ET SUR LA POÉSIE LYRIQUE.

qui nous environnent. C’était, sous le coup d’un vrai péril, l’élan spontané de quelques États chrétiens, pour couvrir l’Italie, en écarter l’esclavage, le meurtre et la peste, et, en rejetant les Turcs de l’Occident, effacer la dernière trace des invasions barbares.

C’est ce que l’instinct de l’humanité a poursuivi, depuis lors, malgré bien des fautes de spéculation et des mécomptes d’égoïsme ; c’est l’œuvre que notre siècle verra s’accomplir ; c’est l’œuvre que l’occupation des îles Ioniennes depuis 1800, la délivrance de l’Attique et de la Morée, la conquête de l’Algérie, la garantie donnée aux provinces danubiennes, acheminent incessamment vers un terme encore obscur et désavoué.

L’immense et contradictoire incident qui nous a montré naguère l’empire turc protégé par une croisade partielle de l’Occident, le langage que l’orthodoxie même a pris quelquefois dans cette cause, par défiance d’un schisme bien moins éloigné d’elle que la barbarie du Coran, tout cela n’est qu’un retard et point un obstacle à l’œuvre inévitable du temps, à la dette sacrée de la Providence, à l’épuration des frontières orientales de l’Europe, au défrichement nouveau des rivages de l’Asie-Mineure, de cette banlieue de l’Europe si fertile jadis sous la liberté grecque et même sous l’empire romain. Ne l’oublions jamais ; supplions la science et la poésie, tout ce qui reste d’organes à la raison publique de le redire sans cesse : ces beaux climats de l’Ionie, ces deux rives du Bosphore, cette ceinture asiatique