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ET SUR LA POÉSIE LYRIQUE.

ment aidé par la crainte de blesser un despotisme jaloux ; nulle vaine pompe n’a surchargé l’éloge du héros. Selon le génie des prophètes hébreux, Dieu seul a tout fait, Dieu seul a paru.

« Les grands se sont troublés ; les forts, les puissants, se sont rendus avec effroi ; et toi, ô Dieu, comme la roue du vanneur jette les barbes de l’épi au souffle impétueux du vent, tu as livré ces méchants, qui, fugitifs par milliers, se pâmaient devant un seul homme. Tel qu’un feu embrase les forêts et sur leurs épaisses cimes a répandu sa flamme, tel, dans ta colère et tes foudres, tu les as suivis, et tu as couvert leur face de honte. »

Cet aspect du Dieu des armées, ces images empruntées aux souvenirs bibliques, sont dignes de la verve du poëte. Malheureusement il y mêle un ingrat et injuste anathème contre cette race grecque décimée par la servitude, mais dont une partie alors même combattait les barbares. Puis, sans plus songer à elle, il croit l’Asie vaincue : et, apostrophant, comme le prophète, la nouvelle Tyr et ses vaisseaux détruits, il s’écrie :

« Ceux qui ont vu ta force brisée et la mer libre et dégagée des forêts de navires qui troublaient ses ondes, en voyant ta mort honteuse, diront de tes débris errants : Qui donc a eu tant de puissance contre la terrible Asie ? Le Seigneur, qui a montré sa forte main pour la foi de son prince chrétien, et qui,