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ET SUR LA POÉSIE LYRIQUE.

charmer l’Europe encore à demi barbare. À la poésie grecque, à l’inspiration d’Eschyle et de Pindare il avait appartenu d’être à la fois idéale et vivante, de parer l’intelligence et d’animer le courage, de faire du génie d’un homme la vertu publique d’un peuple. La Renaissance, ne visait pas si haut ; son poëte n’était qu’un artiste ému qui plaisait à l’imagination, sans exalter les courages.

« Ô toi, » disait-il en beaux vers[1] à l’évêque de Lombez, « heureuse et belle âme espérée dans les cieux, qui marches revêtue et non appesantie de notre humanité, pour que les chemins te soient plus faciles, servante fidèle et bien-aimée de Dieu, voici que ta barque, déjà détournée de ce monde aveugle vers un meilleur port, reçoit le souffle d’un vent occidental, qui, par cette sombre vallée où nous pleurons nos fautes et celles d’autrui, la conduira dégagée des écueils antiques à cet Orient où elle aspire. »

Rien de plus animé que ces images, dans la langue du poëte ; rien de plus guerrier que son espérance et son appel : « Tout homme, » s’écrie-t-il, « entre la Garonne et les monts, entre le Rhône, le Rhin et les flots de la mer, suit le drapeau chrétien. Quiconque, des Pyrénées aux dernières bornes de l’horizon, estime le vrai courage, va laisser déserts l’Aragon et

  1. Petr., canz. 2 : O aspettata in ciel, beata e bella.